Dénis Mukwege alerte : l'accord de paix RDC-Rwanda, une "légitimation de l'agresseur" ?

Après des années de tensions et de violences dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), un accord de paix entre Kinshasa et Kigali semble enfin en vue. Les équipes techniques des deux pays ont paraphé un texte d'accord mercredi 18 juin 2025 à Washington, sous la médiation de l'administration américaine. La signature officielle par les ministres des Affaires étrangères est prévue pour le 27 juin.
Si cette avancée est saluée par certains diplomates et observateurs internationaux, elle suscite de vives critiques au sein de la société civile congolaise. Le Prix Nobel de la paix, le Dr Denis Mukwege, a exprimé de fortes réserves, qualifiant l'accord de "processus opaque, non inclusif et déséquilibré".
*_Des réserves de taille_*
Le Dr Denis Mukwege estime que cet accord risque d'avantager le Rwanda, accusé par Kinshasa d'agression militaire via le groupe rebelle M23. "Il s’agit d’un processus qui légitime l’agresseur et blanchit les crimes passés et présents en les recouvrant d’un vernis de coopération économique", a-t-il déploré. Il a également dénoncé l'absence de justice et de reconnaissance pour les millions de victimes congolaises.
Le gynécologue congolais a rappelé que la résolution 2773 du Conseil de sécurité des Nations Unies, adoptée en février 2025, exige le retrait immédiat des forces rwandaises, la fin de leur soutien au M23 et le démantèlement des structures parallèles dans les zones occupées. Selon lui, le projet d’accord ne reflète pas ces exigences fondamentales.
Pour une paix durable, le Dr Mukwege a insisté sur la nécessité d'une inclusivité réelle, impliquant notamment les femmes et les jeunes, ainsi que l'intégration de mécanismes de justice transitionnelle. Il a souligné que la vérité, la justice et les réparations sont des conditions incontournables pour clore un chapitre de 30 ans de violences, de massacres, de viols et de pillages.
_*Les grandes lignes de l'accord*_
L’accord, inspiré de la Déclaration de principes signée le 25 avril 2025, aborde plusieurs points clés :
- Le respect de l’intégrité territoriale des deux nations.
- L’interdiction des hostilités et le désengagement militaire.
- Le désarmement et l'intégration conditionnelle des groupes armés non étatiques.
- La mise en place d'un mécanisme conjoint de sécurité basé sur le plan CONOPS du 31 octobre 2024.
- Le retour des réfugiés et déplacés internes.
- L’accès humanitaire et un cadre de coopération économique régionale.
La médiation de cet accord a été pilotée par les États-Unis et le Qatar. La séance de paraphe s’est déroulée en présence de la sous-secrétaire américaine aux affaires politiques, Allison Hooker. La signature officielle est attendue avec la présence du secrétaire d’État américain Marco Rubio.
Kinshasa et Kigali ont exprimé leurs remerciements à Washington et Doha pour leur implication, saluant l’harmonisation de leurs initiatives en faveur d'une résolution pacifique du conflit.
La communauté internationale attend avec attention la signature officielle de cet accord, tout en restant attentive aux préoccupations exprimées par la société civile congolaise quant à son équité et à son efficacité à apporter une paix juste et durable dans la région.
Gracieux Bazege