Goma, échiquier de pouvoir : les dessous de l'atterrissage controversé de Joseph Kabila
L'arrivée de Joseph Kabila à Goma, le 18 avril 2025, loin de se limiter à un simple déplacement, constitue un événement lourd de significations et de potentiels développements dans le contexte complexe de la République Démocratique du Congo. Alors que le président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo poursuit ses engagements dans le Haut-Katanga, le choix de l'ancien chef de l'État de poser ses valises dans une région gangrénée par le conflit et sous l'influence de la rébellion AFC/M23 soutenue par le Rwanda, interroge et révèle les dynamiques profondes qui animent la scène politique congolaise. L'annonce préalable de ce retour par l'Est, suivie de la confirmation de Goma comme point d'entrée par Olivier Kamitatu, n'a fait qu'aiguiser les curiosités et souligner la nature délibérée de cette démarche. Pourquoi Goma, et non la relative sécurité de Kinshasa ou d'autres grandes villes du pays ? La réponse se niche dans l'imbrication des enjeux sécuritaires, politiques et symboliques qui caractérisent cette région.
Le Nord-Kivu, et Goma en son cœur, sont depuis des décennies le théâtre de conflits armés récurrents, de crises humanitaires aigües et d'une instabilité chronique. Choisir cette localité comme point d'ancrage pour son retour au pays n'est vraisemblablement pas un hasard pour Joseph Kabila. Cette région représente un condensé des défis auxquels la RDC est confrontée, et y établir une présence pourrait être interprété comme une volonté de se positionner au cœur du problème, voire comme une figure capable d'influencer son issue.
D'un point de vue stratégique, Goma offre une proximité avec les dynamiques régionales et les acteurs impliqués dans le conflit du M23. Une présence sur le terrain permet une observation directe de la situation, une potentielle interaction avec des acteurs locaux et une projection d'influence dans une zone où l'autorité de l'État central est contestée. Ce choix géographique pourrait également être perçu comme un message adressé à la communauté internationale, soulignant l'importance de cette région et impliquant une forme d'intérêt direct de la part de l'ancien président dans la résolution de la crise.
Le contexte politique actuel entre Joseph Kabila et le pouvoir en place à Kinshasa est marqué par une défiance mutuelle et des accusations publiques. Les déclarations de Félix Tshisekedi désignant Kabila comme le "patron de l'AFC", ainsi que les allégations de Jean-Pierre Bemba concernant son implication dans le mouvement "Mobondo", témoignent d'une atmosphère de suspicion et d'hostilité. Les récentes perquisitions des propriétés de la famille Kabila à Kinshasa, dénoncées par Marie Olive Lembe Kabila comme des actes de "pillage" et de "vol", ajoutent une couche supplémentaire de tension et pourraient avoir motivé le choix d'un point d'entrée perçu comme moins directement contrôlé par les autorités centrales.
L'atterrissage à Goma pourrait ainsi être interprété comme une manœuvre visant à éviter un face-à-face immédiat et potentiellement conflictuel avec le pouvoir central à Kinshasa. En se positionnant dans une région où sa propre influence historique reste significative, Kabila pourrait chercher à établir une base à partir de laquelle il pourrait ensuite interagir avec le reste du pays selon ses propres termes et son propre calendrier.
L'histoire du Nord-Kivu est indissociable des cycles de violence et des interventions de divers acteurs, nationaux et étrangers. Le rôle joué par Joseph Kabila durant ses années à la présidence dans la gestion de ces crises reste un sujet de débat et de controverses. Son héritage politique, marqué par des zones d'ombre et des critiques quant à la gestion des conflits dans l'Est, influence inévitablement la perception de son retour à Goma. Des questions légitimes se posent quant à ses intentions réelles et à l'impact de sa présence sur une situation déjà extrêmement volatile.
*Un test pour la stabilité et la démocratie congolaise*
L'arrivée de Joseph Kabila à Goma survient à un moment critique pour la RDC. La persistance de la crise sécuritaire au Nord-Kivu, avec ses conséquences humanitaires désastreuses, souligne l'urgence d'une solution politique inclusive et durable. La manière dont les différents acteurs politiques, y compris l'ancien président, se positionneront et agiront dans ce contexte sera déterminante pour l'avenir de la région et du pays dans son ensemble.
Cet événement met en lumière la complexité des dynamiques de pouvoir en RDC et la fragilité de sa trajectoire démocratique. La capacité des institutions à gérer la présence d'une figure politique aussiPolarisante dans une zone de conflit, tout en poursuivant la recherche de la paix et de la stabilité, sera un test significatif. L'histoire, avec ses leçons souvent douloureuses, rappelle que les actions des leaders politiques, en particulier dans des contextes de crise, ont des répercussions profondes et durables sur le destin d'une nation. L'atterrissage de Joseph Kabila à Goma ouvre un nouveau chapitre, dont les implications restent encore à déchiffrer.
Guyvenant Misenge
