Kwamouth : Quand l'ombre de la désinformation éclipse l'espoir d'une paix durable

Au cœur du Maï-Ndombe, là où les méandres du fleuve Congo serpentent à travers une végétation luxuriante, un territoire lutte pour se relever des cicatrices laissées par la violence. Kwamouth, théâtre récent de tensions et de conflits, se retrouve aujourd'hui confronté à un ennemi insidieux, tapi dans l'ombre du silence médiatique : la désinformation.
Loin des projecteurs de la capitale, une grande partie de sa population, déjà éprouvée par l'insécurité, se débat avec un accès fragmenté et incertain à une information fiable, un besoin pourtant vital pour reconstruire le tissu social et consolider une paix encore fragile.
Le paysage sonore de Kwamouth porte les stigmates de cette crise informationnelle. Depuis 2022, le silence des ondes a remplacé les voix familières des deux seules radios privées locales qui assuraient un lien, aussi ténu fût-il, avec le reste du monde.
Francis Mungili, jeune leader du village de Bunsele, dont les mots résonnent avec la gravité d'une expérience précoce des turbulences, explique cette soudaine extinction des ondes par la menace tangible des groupes armés Mobondo.
Ces rebelles, dont les actions ont semé la terreur dans la région, ont indirectement privé la population d'une source d'information cruciale, isolant davantage une communauté déjà géographiquement enclavée.
Si le souffle de la paix semble timidement caresser certains villages, suite aux opérations de sécurisation menées par les FARDC, la reconquête de l'espace informationnel demeure un défi de taille.
À Bebes, un îlot de vie modeste au sein de ce vaste territoire, Matadi Docta, un septuagénaire dont la sagesse est vénérée par ses pairs, incarne cette soif inextinguible de savoir. Chaque jour est une quête ardue pour s'informer, une tentative désespérée de capter le signal lointain et capricieux de la RTNC sur les ondes courtes. Les interférences et la distance transforment cette tentative en une loterie incertaine, où les bribes d'information arrivent souvent déformées ou incomplètes.
«Une bonne information sécurise», affirme avec une conviction inébranlable ce gardien de la mémoire collective. Pour lui, la désinformation n'est pas une simple absence de nouvelles ; elle est une force corrosive qui a creusé des sillons profonds dans l'esprit des habitants de Kwamouth. Il se souvient avec une clarté douloureuse de la manière dont les rumeurs malveillantes, orchestrées par les manipulateurs au sein des groupes Mobondo et certains acteurs politiques en quête de pouvoir, ont distillé la confusion et la méfiance à l'approche des échéances électorales passées. «Les réseaux sociaux, initialement perçus comme une fenêtre sur le monde, sont devenus des vecteurs de mensonges, déplore-t-il avec une tristesse palpable. Plusieurs de nos jeunes, influencés par ces narrations fallacieuses, ont été embrigadés dans le mouvement Mobondo. Certains, aveuglés par la propagande, ont même levé la main contre les forces chargées de leur protection».
Face à cette situation alarmante, où le manque d'information fiable fragilise les efforts de consolidation de la paix et expose la population à de nouvelles manipulations, un appel vibrant s'élève de Kwamouth. Les habitants interpellent avec insistance les autorités militaires et civiles présentes sur le terrain, les exhortant à considérer l'installation d'une radio communautaire comme une priorité absolue.
Cette infrastructure médiatique de proximité est perçue comme un pont essentiel à rétablir entre les institutions et les citoyens, un outil puissant pour cimenter la cohésion civilo-militaire, et surtout, comme le rempart le plus efficace contre les assauts de la désinformation. En offrant un accès libre et continu à une information crédible et vérifiée, cette radio locale pourrait devenir un phare dans l'obscurité informationnelle, guidant Kwamouth vers un avenir plus serein et éclairé.
L'écho de cet appel résonne désormais au-delà des frontières de ce territoire isolé, attendant une réponse concrète pour que la vérité puisse enfin reconquérir le terrain perdu face aux chimères de la désinformation.
Gracieux Bazege