65 Ans d'indépendance : La RDC face à ses démons, selon Me Achille Kapanga

Alors que la République démocratique du Congo célèbre aujourd'hui son 65ème anniversaire d'indépendance, la fête est teintée d'amertume pour certains. Me Achille Kapanga, notable du Nord-Kivu et juriste de formation, dresse un tableau sans concession de l'état du pays, affirmant avec force que "certains politiciens congolais sont devenus plus riches que le pays lui-même."
L'histoire post-coloniale de la RDC est une succession de luttes de pouvoir, souvent exacerbées par des tensions ethniques, des rivalités politiques, une corruption endémique et la course au contrôle des vastes ressources naturelles du pays, comme le révèle un rapport d'Amnesty International. Sur le plan socio-économique, malgré une richesse naturelle inouïe, le pays peine à progresser.
*L'Indépendance à la loupe : trois questionnement*
Pour Me Kapanga, les 65 ans d'indépendance devraient inciter les Congolais à se poser des questions fondamentales :
- Comparaison avec les ex-colonies : Comment les pays ayant accédé à l'indépendance la même année que la RDC s'organisent-ils aujourd'hui pour évoluer, malgré leurs propres réalités ?
- Niveau de développement face à la mondialisation : Quel niveau la RDC a-t-elle atteint au regard des critères de la mondialisation ? Où en est le pays ?
- Gestion des services sociaux de base : Comment ces services essentiels ont-ils été gérés ?
Le juriste n'hésite pas à pointer du doigt une histoire post-indépendance marquée par la confusion, la prolifération des rébellions et des élections qui ont souvent favorisé les "anti-valeurs". Il concède que la guerre à l'Est a freiné le développement, mais insiste sur la nécessité pour la RDC d'assumer ses responsabilités : "La guerre nous fait reculer, mais nous devons l'assumer."
- Le Patriotisme en question et l'impact de la corruption*
Selon Me Kapanga, les conflits sont "alimentés par le manque de patriotisme". Il déplore que "beaucoup de Congolais trahissent leur pays" par soif de pouvoir, utilisant leur propre nation comme monnaie d'échange, comme en témoigne la situation à Goma. "Tant que nous ne sommes pas unis, le pays ne pourra pas évoluer", a-t-il déclaré dans une interview accordée ce lundi.
Le notable s'inquiète également de la pauvreté généralisée qui empêche tout progrès. Il dénonce ces "Congolais qui prennent le pays comme leurs propres biens privés, surtout quand les fonds arrivent ou quand des avantages sont destinés à la RDC ; ils se les accaparent."
Cette appropriation illicite de la richesse nationale par une élite politique mène à une situation aberrante : "Il y a des politiciens plus riches que le pays lui-même. Vous devenez président, et votre richesse dépasse même celle du pays", a-t-il affirmé.
Cette corruption rampante a des conséquences désastreuses sur la perception de la RDC à l'étranger. "Lorsque les politiciens agissent ainsi pour afficher leur richesse, les ennemis en profitent, et les Congolais ne sont pas considérés à l'étranger", regrette Me Kapanga, soulignant que "les politiciens ont mis des anti-valeurs à la place des valeurs républicaines".
*Un recul alarmant sur tous les plans*
Sur le plan international, la RDC est souvent perçue "comme si nous ne pouvions rien faire", déplore le juriste. Il cite l'exemple frappant de la MONUSCO qui équipe en motos les chefs de quartier de Beni, alors que cette tâche devrait incomber au gouvernement provincial.
Me Achille Kapanga conclut en déplorant un "recul sur le plan sécuritaire et économique", affirmant que la RDC n'a malheureusement pas réussi à "décoller" malgré son immense potentiel.
Juvenal Bulemo