RDC : Alarme budgétaire, 14 jours de retard de salaire et un déficit colossal de 440 millions $ secouent les finances publiques

En premier lieu, la République Démocratique du Congo est une nouvelle fois confrontée à un retard considérable de 14 jours dans le versement des salaires des agents publics. Cette situation préoccupante, qui tend malheureusement à se répéter, a été mise en évidence par le Centre de Recherche en Finances Publiques et Développement Local (CREFDL). Conformément au calendrier établi par le Ministère du Budget, les paiements devraient normalement débuter le 15 du mois, en commençant par la Police Nationale Congolaise, les militaires et les enseignants.
Cependant, cette régularité fait défaut, et une analyse approfondie du CREFDL révèle plusieurs facteurs sous-jacents à cette anomalie.
L'une des causes majeures identifiées est l’augmentation des salaires du personnel militaire. En effet, au 31 décembre 2024, l’enveloppe globale des rémunérations des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) s'élevait à 391,5 millions de dollars, selon les données de la Banque centrale du Congo. Or, avec les récentes promesses de revalorisation salariale, ce montant devrait presque doubler, atteignant 783 millions de dollars d’ici décembre 2025. Bien que cette augmentation soit bénéfique pour les militaires, elle exerce une pression financière considérable sur les capacités budgétaires de l’État, qui peine à trouver un équilibre entre ses ressources et ses dépenses.
Parallèlement à cela, l’insécurité persistante dans l’Est du pays a des répercussions profondes sur les recettes publiques. Notamment, la province du Nord-Kivu, qui contribuait traditionnellement à hauteur de 25 % des revenus internes avec une moyenne de 250 millions de dollars par an, est désormais fortement impactée par la cessation des activités économiques, en particulier minières. De plus, cette province et sa voisine du Sud-Kivu sont confrontées à des perturbations majeures dues aux conflits armés, ce qui réduit considérablement les encaissements fiscaux. En outre, cette dépendance marquée au secteur minier, qui représente environ 50 % du budget national selon le rapport ITIE 2022, exacerbe la situation lorsque ces régions stratégiques sont paralysées par des crises sécuritaires.
En sus de ces difficultés, les dépenses militaires connaissent une progression constante, ce qui amplifie davantage les tensions budgétaires. Ainsi, entre 2022 et 2023, un montant de 2,5 milliards de dollars a été alloué pour financer les opérations militaires. De plus, depuis le début de l’année 2025, l’escalade des combats dans l’Est du pays a engendré des besoins militaires encore plus importants, nécessitant des décaissements supplémentaires pour faire face à l’urgence sécuritaire.
De fait, ces dépenses exceptionnelles viennent aggraver un déficit budgétaire déjà préoccupant. À la fin de l’année 2024, le déficit atteignait 912,7 millions de dollars. Cependant, au 19 mars 2025, le rapport de la Banque centrale du Congo révèle une balance des opérations financières affichant un déficit de trésorerie de 440,5 millions de dollars. Ce déséquilibre résulte de recettes publiques s’élevant à 1,7 milliard de dollars, comparativement à des dépenses totales de 2,2 milliards de dollars.
Face à cette conjoncture, la récurrence des retards dans le paiement des agents publics apparaît comme un symptôme alarmant des défis structurels auxquels sont confrontées les finances publiques du pays. En effet, les causes de cette situation, qu’elles soient liées à l’augmentation des charges salariales, à l’insécurité paralysant les recettes ou encore aux dépenses militaires croissantes, sont étroitement interconnectées, ce qui réduit considérablement les marges de manœuvre de l’État.
Afin de surmonter ces obstacles, il devient indispensable d’envisager des réformes structurelles en profondeur. Dans cette perspective, une meilleure gestion des ressources publiques, un renforcement de la collecte fiscale dans les régions non affectées par les conflits, ainsi qu’une diversification des sources de revenus devraient figurer parmi les priorités pour réduire la dépendance à un secteur minier intrinsèquement volatile.
Les retards de paie et le déficit public récurrent constituent un signal d’alarme quant à la nécessité impérieuse d’un renforcement de la gouvernance financière et d’une optimisation rigoureuse des dépenses publiques. Par conséquent, la voie vers une stabilité budgétaire durable passe inéluctablement par des efforts concertés visant à restaurer la paix dans l’Est, à diversifier l’économie nationale et à instaurer une discipline budgétaire sans faille. De telles mesures sont essentielles pour éviter que les finances publiques ne continuent leur dangereuse descente dans le rouge, mettant ainsi en péril le bien-être de la population et le bon fonctionnement des institutions de la République.
Rémy Mbuyi