SOTEXKI : La suspension des fonds par la Première ministre fait des vagues

La décision prise le 6 juin par la Première ministre de suspendre le décaissement de la deuxième tranche du plan de relance de la Société textile de Kisangani (SOTEXKI), estimée à 5,7 millions de dollars américains, suscite de vives réactions sur la scène politique. Un plan de relance de 17,5 millions de dollars américains avait pourtant été validé par le gouvernement en 2022 et la première tranche, d’un montant de 7,6 millions de dollars américains, avait déjà été allouée.
Depuis deux mois, de nombreux acteurs politiques, locaux et nationaux, dénoncent le blocage et estiment qu'il met en péril la relance effective de l’entreprise. Cette pression s'intensifie, notamment de la part de l'équipe de l'actuel Directeur général, ce qui soulève de sérieuses interrogations.
*Une gestion passée et présente en question*
L'analyse des rapports de la SOTEXKI met en lumière de troublantes incohérences. La relance de l'entreprise est un enjeu majeur, mais la gestion des fonds alloués jusqu'à présent est au cœur des préoccupations. Des questions fondamentales se posent : pourquoi la SOTEXKI a-t-elle fermé ses portes ? Comment la société a-t-elle pu faire faillite alors que ses dirigeants ont pu construire des maisons à plusieurs étages à Kinshasa ? Et surtout, pourquoi les arriérés de salaire des travailleurs, qui s'élèvent à plus de 30 mois, sont-ils si souvent occultés ?
- Le rapport justificatif de l'utilisation de la première tranche des fonds (7,6 millions $ sur un coût total de 17,5 millions $) révèle une série de dépenses jugées douteuses par plusieurs experts du secteur. Parmi elles :
1 200 000 $ pour les salaires, les retraites, acomptes et décomptes des administrateurs, alors que les travailleurs restent impayés.
- Plus de 100 000 $ pour des billets d'avion et frais de mission du Directeur général et du Directeur d’approvisionnement.
- 123 000 $ pour la sécurité industrielle et 185 000 $ pour le gardiennage.
- 63 970 $ pour les soins médicaux, alors que l'hôpital de l'entreprise serait vide.
Ces dépenses, parmi d'autres, suggèrent que les fonds ont été consommés par le Directeur général et le Directeur d’approvisionnement au détriment des besoins réels de l’entreprise et de ses employés.
Des jeux d'influence en coulisse
Le Directeur général n'a pas mentionné dans son rapport à sa hiérarchie les résultats de l’Assemblée générale extraordinaire du 25 juillet. Cette dernière a pourtant entériné une nouvelle répartition du capital : 80 % des parts pour l'État congolais et 20 % pour TEXICO, une entreprise liée à l'ancien président Joseph Kabila.
Cette nouvelle répartition confère à l'État le droit de nommer le Directeur général. Or, l'actuel DG a été désigné par TEXICO et le comité de gestion ne compte aucun représentant de l'État. C'est dans ce contexte délicat que la Première ministre a pris la décision de geler les décaissements. Cette suspension pourrait donc être une réponse aux interrogations soulevées par la gestion de la première tranche et une volonté de l'État de reprendre la main sur la SOTEXKI.
Guyvanant Misenge