Retrait pénible de la SADEC de Goma : Un départ sous le signe de la contrainte et de l'Incertitude

L'aube naissante sur Goma a été témoin d'une scène lourde de significations ce matin, alors que les premiers éléments de la force de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADEC), déployée en décembre dernier pour épauler les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) face à la progression inexorable des combattants de l'AFC M23, ont entrepris un retrait laborieux de la ville.
Des dizaines de camions chargés de matériel hétéroclite et des véhicules blindés, symboles d'une mission qui n'aura jamais véritablement trouvé son souffle, ont serpenté lentement à travers les rues encore somnolentes, sous le regard désabusé des habitants de Goma.
Ce départ, confirmé par un porte-parole de l'organisation régionale qui a toutefois omis de préciser le nombre exact de soldats concernés par ce premier contingent, marque un tournant amer dans l'engagement régional. Ces troupes, initialement venues avec l'ambition de contenir l'avancée rebelle, se sont retrouvées contraintes de chercher refuge auprès de la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) suite à la prise de Goma par l'AFC M23 en janvier dernier. Incapables de manœuvrer en dehors des enceintes onusiennes, leur présence s'est muée en une impuissance palpable.
Le mois dernier avait sonné le glas de leur mandat, la SADEC négociant un retrait précipité via l'aéroport de Goma.
Pourtant, le destin, souvent ironique dans les zones de conflit, en a décidé autrement. L'aéroport, infrastructure vitale pour une évacuation digne et ordonnée, est resté obstinément hors d'état de fonctionnement. Selon les analyses d'un chercheur averti des dynamiques régionales, l'Afrique du Sud, principal contributeur de troupes à cette force multinationale, nourrissait la vive appréhension d'un retrait terrestre perçu comme une humiliation publique, d'autant plus vivement ressentie après la perte tragique de quatorze de ses soldats. La mission, dès ses prémices, avait suscité une impopularité croissante au sein de l'opinion publique sud-africaine.
Contrainte par la réalité du terrain, Pretoria n'a eu d'autre alternative que de se résoudre à cette évacuation par voie terrestre. Ce premier contingent de la SADEC devrait ainsi emprunter les routes sinueuses qui mènent jusqu'à la frontière rwandaise, un ironique chemin de traverse pour des troupes venues initialement pour contrer une rébellion dont les liens avec Kigali sont régulièrement pointés du doigt. Leur destination finale, selon les informations distillées par le porte-parole régional, serait la Tanzanie.
Ce départ s'inscrit dans un processus de retrait progressif, dont l'échéance est fixée à la fin du mois de juin. Une lente agonie d'une intervention qui n'aura jamais réussi à infléchir le cours des événements.
Pourtant, dans un contraste saisissant avec la morosité ambiante à Goma, le président congolais Félix Tshisekidi a affiché une confiance ostentatoire lors d'une conférence de presse tenue hier à Kinshasa. Quatre jours après la signature à Washington d'une déclaration de principe avec le Rwanda, le chef de l'État a salué une "avancée majeure sur le chemin de la paix". Des paroles optimistes qui peinent à résonner avec la réalité tangible du retrait contraint des forces de la SADEC et la persistance de la crise sécuritaire dans l'est du pays.
La question demeure : ce retrait laborieux de la SADEC laissera-t-il un vide sécuritaire béant, offrant un nouveau souffle à l'AFC M23, ou marquera-t-il le prélude à une nouvelle approche, peut-être plus diplomatique, pour résoudre le conflit qui déchire l'est de la République démocratique du Congo depuis tant d'années ? Seul l'avenir, incertain et volatile comme le terrain sur lequel ces troupes se sont déployées, apportera les réponses à ces interrogations cruciales.
Gracieux Bazege