Ituri : Lodha-Ala, bastion temporaire de la MONUSCO face à la menace armée
Loin du tumulte de Bunia, une présence inattendue a brièvement marqué le paysage de Lodha-Ala, localité du territoire de Djugu secouée par l'insécurité. Entre le 7 et le 9 avril 2025, les bérets bleus népalais de la MONUSCO ont érigé une base militaire éphémère, un geste ciblé visant à tisser une toile de sécurité autour d'une population civile constamment sous la menace des groupes armés.
Cette initiative, loin d'être fortuite, trouve son origine dans les appels pressants de l'administrateur du territoire de Djugu, le colonel Ruphin Mapela. Déjà en mars, face à la recrudescence des exactions miliciennes, il avait plaidé auprès de la MONUSCO pour un déploiement agile de bases mobiles, capables de déjouer les offensives et de sanctuariser des zones particulièrement vulnérables. Ses mots, prononcés au lendemain du funeste massacre de Djaiba, où une soixantaine de vies civiles avaient été fauchées par la brutalité de la Codeco, résonnaient comme un cri d'alarme.
La MONUSCO, sensible à cette requête, a ainsi multiplié ces déploiements ponctuels, adaptant sa présence aux pulsations de l'urgence sécuritaire. Lodha-Ala est venu s'ajouter à cette carte mouvante de protection. L'impact de ces bases mobiles est tangible : elles agissent comme un rempart, un signal dissuasif face aux velléités meurtrières des groupes armés, offrant un répit, fragile mais précieux, aux communautés déplacées et aux villageois pris au piège du conflit.
L'hôpital général de référence de Fataki avait déjà bénéficié de cette stratégie. Face à la fuite du personnel soignant, la MONUSCO y avait installé une base temporaire, sanctuarisant ainsi une infrastructure vitale dans un contexte de chaos et de confrontations incessantes entre l'armée ougandaise et la tenace milice Codeco. Les villages environnants, vidés de leurs habitants par la peur, témoignaient de l'urgence de telles mesures.
À Lodha-Ala, le souffle de la présence onusienne a semblé porter ses fruits. Un déplacé, dont les mots traduisent un vécu de terreur, confie : « Sans la Monusco, beaucoup d’entre nous seraient même déjà morts. Nos vies étaient en danger. Mais, de voir ces casques bleus, patrouiller à pied, en voiture, nous rassure énormément. Pendant les deux jours qu’ils ont passé ici, nous dormions en paix, il n’y a plus eu d’attaques contre nous la population ». Son vœu, celui de voir ces bases mobiles se pérenniser, est le reflet d'un besoin criant de sécurité.
Pour ancrer ce sentiment de protection, la MONUSCO a intensifié ses patrouilles dans la zone, quadrillant le terrain matin, midi et soir, exerçant une pression constante sur les miliciens qui prospèrent souvent dans le vide sécuritaire. La présence temporaire à Lodha-Ala portait également l'espoir d'un retour progressif des populations dans leurs foyers.
Un signe encourageant est venu concrétiser cet espoir : le jeudi 9 avril 2025, la MONUSCO a facilité le retour par hélicoptère de Bunia à Fataki de deux prêtres et d’un médecin, figures essentielles à la reconstruction d'un tissu social déchiré par la violence. Christom Safari Malo, le porte-voix des déplacés de Lodha, témoigne de ce fragile regain : « L’installation de cette base a été très bénéfique, nous demandons que les casques bleus restent avec nous, la menace est permanente. Sa présence a permis d’améliorer la situation sécuritaire dans la zone, on enregistre déjà quelques retournés, entre 40 et 45% des personnes qui avaient fui sont de retour, et c’est grâce à l’installation de cette base militaire. Sans cette base, ils ne seraient jamais revenus. Nous apprécions beaucoup cette protection de proximité de la MONUSCO ».
La région de Lodha-Ala, terre d'accueil pour des milliers de déplacés internes, victimes collatérales de la spirale de violence qui embrase le territoire de Djugu depuis des années, place désormais ses espoirs dans la continuité de cette présence protectrice.
Juvenal Bulemo
