La crise au parlement : un bras de fer à haut risque pour la cohésion nationale

4 Septembre 2025 - 06:41
4 Septembre 2025 - 08:09
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La crise au parlement : un bras de fer à haut risque pour la cohésion nationale

Le Parlement congolais est au cœur d'un bras de fer politique aux ramifications profondes. Les présidents des deux chambres, Sama Lukonde au Sénat et Vital Kamerhe à l'Assemblée nationale, sont la cible de pétitions de destitution simultanées. Bien que les pétitionnaires invoquent des motifs de mauvaise gestion, cette offensive intervient dans un contexte de tensions politiques et identitaires, menaçant la stabilité de l'Union sacrée et la cohésion nationale elle-même.

Les accusations et leurs motivations cachées

Les pétitions lancées contre le bureau de l'Assemblée nationale, mené par Vital Kamerhe, listent des griefs précis : gestion opaque des fonds, non-paiement des émoluments et des soins de santé des députés, et un manque de leadership. Si ces accusations reflètent un réel mécontentement des élus, leur timing et leur convergence avec une pétition similaire au Sénat suggèrent un agenda politique plus large.

Derrière les arguments de mauvaise gouvernance se cachent des logiques de pouvoir. L'initiative, portée en partie par des « nouveaux ministres », pourrait être une tentative de réorganiser les forces au sein de l'Union sacrée, la coalition au pouvoir. L'objectif serait de placer des hommes de confiance à des postes stratégiques, quitte à déstabiliser l'équilibre des pouvoirs. Cette manœuvre est d'autant plus risquée que Vital Kamerhe a déjà été au centre de polémiques majeures, notamment l'affaire des « 100 jours », dans laquelle il avait été condamné puis acquitté en appel. Cette histoire passée rend les nouvelles accusations particulièrement explosives et facilement instrumentalisables.

Des intérêts personnels au détriment de la population

Il est crucial de souligner que les revendications des élus portent presque exclusivement sur leurs propres intérêts. Ils se plaignent du versement « en miettes » de leurs émoluments et de la suppression de leurs soins de santé, tandis que les problèmes fondamentaux de la population sont ignorés.

Le peuple congolais vit dans une misère profonde, souvent avec moins d'un dollar par jour. Il manque d'infrastructures de base : pas de routes, pas d'eau potable, pas d'électricité. Les écoles et les hôpitaux sont délabrés. Face à cette réalité, l'empressement des élus à se battre pour leurs propres avantages financiers révèle un profond décalage et une indifférence à l'égard du sort de ceux qu'ils sont censés représenter. Si les actions des parlementaires entraînent une crise politique, ce sera, une fois de plus, la population qui en subira les conséquences, sans avoir tiré le moindre bénéfice des luttes de pouvoir en cours.

Le risque d'une crise identitaire et régionale

La spécificité de cette crise est que les deux cibles, Vital Kamerhe et Sama Lukonde, sont des figures politiques majeures originaires de l'Est du pays, de l'espace swahili. Cette coïncidence n'est pas fortuite et donne un caractère symbolique et dangereux à leur éventuelle destitution.

Dans une RDC en proie à des conflits armés, où des groupes rebelles exploitent déjà les divisions régionales et le sentiment d'exclusion, une telle destitution pourrait être perçue comme un affront à l'ensemble de la communauté swahiliphone. Vital Kamerhe est souvent considéré comme un « ciment » entre l'Est et l'Ouest, ayant su construire des alliances au-delà des clivages traditionnels.

Son départ pourrait ainsi offrir un argument de poids aux rebelles qui dénoncent déjà le tribalisme et l'exclusion des leaders de l'Est. Cette instabilité politique au sommet pourrait, de fait, affaiblir la réponse militaire et diplomatique du gouvernement face à la crise sécuritaire, en sapant la confiance et la légitimité de l'État dans les provinces de l'Est.

Perspectives et rôles des acteurs clés

La situation actuelle met en lumière les tensions au sein de l'Union sacrée et pose la question du rôle du président Félix Tshisekedi. En tant qu'arbitre et chef de l'État, sa réaction sera déterminante. Va-t-il laisser les pétitions suivre leur cours, au risque de voir la coalition se déchirer et de creuser les divisions régionales ? Ou interviendra-t-il pour apaiser la situation et protéger l'équilibre qu'il a lui-même mis en place ?

Au-delà des personnalités, cette crise interroge la fragilité des institutions congolaises. La multiplication des motions de destitution montre que la gouvernance parlementaire est loin d'être stable. Le pays doit-il se doter de mécanismes plus solides pour éviter que des désaccords politiques ne débouchent sur de graves crises institutionnelles ?

La destitution éventuelle de Vital Kamerhe et de Sama Lukonde est un test décisif pour la capacité de la RDC à surmonter ses clivages internes. Une résolution apaisée de cette crise est essentielle pour préserver la cohésion nationale et maintenir le cap vers la stabilité.

Face à cette situation, comment l'Union sacrée pourrait-elle gérer ces tensions internes sans compromettre la stabilité du pays ?

Guyvenant Misenge

newnarratifrdc Créé en 2023, New Narratif RDC est un média en ligne de l'Ets. Groupe New NARRATIF RDC. Dans son traitement d’informations, New NARRATIF RDC accorde l’importance à l’image positive de la République démocratique du Congo et de ses institutions en vue de pérenniser le «CHANGEMENT DE NARRATIF »