Le procès Kabila : un tournant pour la RDC ou un simple règlement de comptes politique ?

4 Septembre 2025 - 07:46
4 Septembre 2025 - 07:56
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Le procès Kabila : un tournant pour la RDC ou un simple règlement de comptes politique ?

La République Démocratique du Congo (RDC) vit un moment judiciaire et politique historique : l'ancien président Joseph Kabila est poursuivi par la Haute Cour militaire. Ce procès sans précédent, ouvert après la levée de son immunité de sénateur à vie, divise le pays. Si pour certains, il marque un pas décisif vers la fin de l'impunité, pour d'autres, il n'est qu'un simple règlement de comptes politique orchestré par le pouvoir en place.

Le cadre juridique et les lourdes accusations

Le procès de l'ancien président repose sur des chefs d'accusation d'une gravité exceptionnelle : « haute trahison », « participation à un mouvement insurrectionnel », et « crimes contre la paix ». Ces accusations découlent de son rôle présumé dans l'Alliance fleuve Congo (AFC) et sa complicité supposée avec le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda. Des homicides, des tortures et des déportations sont également mentionnés. La Haute Cour militaire a requis la peine de mort contre Kabila, conformément à la loi congolaise.

Le caractère unique de ce procès réside dans la juridiction militaire qui en a la charge. En RDC, la Haute Cour militaire est compétente pour juger les crimes de haute trahison commis par des personnalités civiles ou militaires. La levée de son immunité parlementaire, une étape indispensable pour pouvoir le juger, a permis de lancer cette procédure. Cependant, le procès se déroule par contumace, Kabila ayant quitté le pays. La partie civile, représentée par l'État congolais et les victimes des provinces de l'Est, réclame des milliards de dollars de dommages et intérêts.

Un procès politique ou un espoir de justice ?

Les partisans du pouvoir en place saluent cette procédure comme une preuve de l'indépendance retrouvée de la justice congolaise. Pour le président Félix Tshisekedi, il s'agit d'une promesse tenue : celle de combattre la corruption et l'impunité, peu importe le rang social ou politique. Ce procès est perçu comme une opportunité de marquer une rupture avec le passé et de renforcer l'État de droit. Le procureur général près la Haute Cour militaire a ainsi qualifié ce procès « d'événement historique », censé marquer la fin de l'impunité pour les plus hauts responsables.

Cependant, la défense de Joseph Kabila et le PPRD, son parti, dénoncent une parodie de justice et une procédure viciée. Ils estiment que le procès est une instrumentalisation politique visant à neutraliser et à discréditer un opposant de taille. Selon les avocats de l'ancien président, les accusations sont dénuées de fondement et les preuves sont minces. Les relations tendues entre Kabila et Tshisekedi, qui ont évolué d'une coalition fragile à une rupture totale, nourrissent les doutes sur l'impartialité de cette procédure.

La société civile, elle, est partagée. Si certaines organisations voient ce procès comme une avancée pour la justice, d'autres craignent qu'il ne serve de précédent dangereux, ouvrant la voie à des règlements de comptes judiciaires contre les futurs opposants politiques.

Conséquences politiques et sécuritaires

Les conséquences de ce procès dépassent largement le cadre judiciaire. Sur le plan politique, une condamnation pourrait mettre fin à la carrière de Joseph Kabila et affaiblir considérablement son parti. Inversement, si le procès est perçu comme une persécution politique, il pourrait renforcer la popularité de Kabila, le transformant en martyr aux yeux de ses partisans.

Sur le plan sécuritaire, les accusations de complicité avec le M23 sont particulièrement sensibles. Elles pourraient compromettre les efforts de paix en cours dans l'Est du pays, en jetant le discrédit sur l'un des principaux acteurs politiques du pays et en ravivant des tensions déjà vives. Comme le souligne un analyste : « Ce procès risque de brouiller les cartes et de rendre la réconciliation encore plus difficile dans l'Est, où la population a soif de justice mais aussi de paix. »

Finalement, le procès de Joseph Kabila est un miroir des tensions et des contradictions de la RDC. Il pose la question fondamentale de la capacité du pays à se doter d'une justice indépendante et impartiale, capable de juger les plus grands, ou si elle reste un simple instrument au service du pouvoir. La manière dont cette affaire sera gérée déterminera non seulement le sort de l'ancien président, mais aussi l'avenir de l'État de droit en RDC.

Guyvenant Misenge

newnarratifrdc Créé en 2023, New Narratif RDC est un média en ligne de l'Ets. Groupe New NARRATIF RDC. Dans son traitement d’informations, New NARRATIF RDC accorde l’importance à l’image positive de la République démocratique du Congo et de ses institutions en vue de pérenniser le «CHANGEMENT DE NARRATIF »