La RDC, 40 ans à la recherche d'une identité : l'interminable saga de la carte d'identité congolaise

5 Septembre 2025 - 08:00
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La RDC, 40 ans à la recherche d'une identité : l'interminable saga de la carte d'identité congolaise

Dans les banques, les administrations et les entreprises, le même document plastifié circule : la carte d’électeur. Depuis près de quarante ans, la République démocratique du Congo promet une carte d'identité nationale, mais le projet s'enlise, victime de contrats opaques, de jeux politiques et de scandales financiers. Des promesses de Mobutu aux décrets de Tshisekedi, voici la longue chronique d'un rêve congolais toujours inachevé.

*Une histoire de faux départs (1984–2018)*

L’histoire de ce document manquant remonte au Zaïre de Mobutu. En 1984, le pouvoir lance une "carte verte", mais le projet ne dépasse que quelques communes de Kinshasa avant de s’enfoncer dans l'inertie. Après la chute de Mobutu en 1997, la carte zaïroise est abandonnée, ouvrant une parenthèse de plus de deux décennies sans carte d’identité nationale (CNI). Les Congolais se rabattent sur des documents de fortune, mais surtout sur les cartes d’électeur qui, de scrutin en scrutin, deviennent la seule béquille d'identification pour plus de 100 millions d'habitants.

Sous la présidence de Joseph Kabila, l'idée refait surface. L'Office national d’identification de la population (ONIP) est créé en 2015, avec l'idée d'un recensement préalable. Un mauvais timing : l'opposition y voit une manœuvre pour retarder la présidentielle de 2016. Les manifestations de janvier embrasent la capitale, forçant le retrait du projet et mettant l'ONIP en sommeil.

Dans l'ombre, l'entreprise belge Semlex se positionne. Le montage promet de financer des cartes d'identité gratuites grâce à la vente de passeports biométriques. Kinshasa signe le contrat pour les passeports en juin 2015. La vente rapportera des millions, mais la CNI ne sera jamais lancée. Pire, une partie des recettes s’évapore dans des circuits opaques. À la fin de l’ère Kabila, le pays n’a toujours pas de CNI, mais le dossier a laissé des traces.

*Le sursaut de l'ère Tshisekedi, et son enlisement*

L’arrivée au pouvoir de Félix Antoine Tshisekedi en 2019 remet l’identification au cœur de l’agenda. En mars 2022, un décret crucial est signé, mutualisant les moyens de l’ONIP, de la CENI et de l’INS. Le 30 juin 2023, le président Tshisekedi reçoit la première CNI devant les caméras, déclarant que "le rêve devient réalité".

En coulisses, la commission technique du ministère de l'Intérieur prépare le terrain, mais les choses dérapent. L'entreprise malienne Afritech est choisie pour un contrat de gré à gré de près de 700 millions de dollars. Au printemps 2024, l'Inspection générale des finances (IGF) s’empare du dossier. Son rapport, publié en juin, est un véritable coup de massue : il révèle de graves irrégularités, de la surfacturation aux garanties bancaires illégales. La machine s'enraye et le projet est suspendu.

Malgré le tollé, le Vice-Premier ministre de l'Intérieur d'alors, Peter Kazadi, agit de manière pragmatique et demande la mise en place d'une équipe restreinte pour corriger les irrégularités. Mais la situation est jugée irrécupérable. En août 2024, le gouvernement résilie le contrat, mettant fin à une nouvelle tentative avortée qui n'aura produit que quelques milliers de cartes, la plupart distribuées à des personnalités.

*Leçons du passé et perspectives d'avenir*

Après cette résiliation, le dossier est repris en main par le Conseil présidentiel de veille stratégique (CPVS), en collaboration avec le ministre de l’Intérieur et l’ONIP. La nouvelle feuille de route est claire et semble tirée des leçons du passé : un appel d’offres sera lancé pour choisir un nouveau partenaire, avec un accent mis sur la transparence des critères, la traçabilité des fonds et l'interopérabilité des données. Le projet prévoit l'établissement de plus de 5 000 bureaux permanents sur tout le territoire et, surtout, la gratuité de la première CNI pour le citoyen.

La saga de la carte d'identité congolaise a été marquée par des erreurs de méthode et des scandales financiers, mais la récente résiliation du contrat Afritech montre que l'État est désormais prêt à se remettre en question pour éviter de répéter les erreurs du passé. Les Congolais n’attendent plus un trophée à brandir, mais une carte qui tienne dans leur poche et qui leur garantisse, enfin, le droit d’être officiellement reconnus chez eux. Le prochain chapitre dira si la RDC est enfin prête à transformer cette série de faux départs en un droit concret.


Guyvenant Misenge

newnarratifrdc Créé en 2023, New Narratif RDC est un média en ligne de l'Ets. Groupe New NARRATIF RDC. Dans son traitement d’informations, New NARRATIF RDC accorde l’importance à l’image positive de la République démocratique du Congo et de ses institutions en vue de pérenniser le «CHANGEMENT DE NARRATIF »