Guerre à l'Est de la RDC : des manifestations dans la capitale se transforment en scènes de pillages ( tribune de Emerode Kamba*)
Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo, a été secouée ce mardi 28 janvier 2025 par des manifestations d'une ampleur inédite. Alors que des milliers de kinois descendaient dans les rues pour protester contre la guerre qui ravage l'est du pays, l'événement a rapidement pris une tournure dramatique, laissant derrière lui un goût amer pour les habitants et une image ternie du mouvement.
Les manifestants, qui étaient censés étendre la voix de la RDC au monde, ont rapidement transformé cette marche pacifique en un terrain de pillages. Plusieurs entreprises, dont de nombreux supermarchés, ont été ciblées, et des scènes de chaos ont envahi les artères de la ville. Le phénomène n'est pas sans rappeler les événements similaires survenus en 2006 et 2007, où des vagues de pillages avaient défiguré la ville, plongeant davantage l’économie dans l'incertitude.
Ces incidents viennent à un moment particulièrement sensible, alors que la population congolaise perd de plus en plus confiance en ses institutions, notamment en l’armée et en la présidence. Les combats incessants dans le nord-est du pays, notamment dans les provinces du Nord-Kivu, exacerbent ce sentiment de délaissement. Les Congolais, frustrés par une guerre qui dure depuis des décennies, ont choisi ce mardi comme une nouvelle occasion pour exprimer leur colère. Mais, à la place de manifestations pacifiques, le pays revit les scènes de pillages, d’autant plus inquiétantes dans un contexte de crise économique et d'insécurité alimentaire.
Les impacts des pillages sur l’économie de la capitale sont considérables. Kinshasa, déjà marquée par des tensions internes et un climat économique difficile, risque de subir de lourdes pertes. Les commerces fermés, la suspension des activités dans certains secteurs, et la destruction d'infrastructures auront des répercussions sur des milliers de travailleurs. Les supermarchés et autres établissements privés ont été envahis, mais l'ampleur des dégâts s’est étendue aux ambassades étrangères. Celle de la France, du Rwanda et de l'Ouganda, en particulier, ont été prises d'assaut par la foule en furie. Bien que la volonté de transmettre un message fort à la communauté internationale puisse être perçue comme légitime, l’ampleur des moyens déployés soulève des interrogations sur la méthode choisie.
Le gouverneur de la ville, Daniel Bumba, a réagi en appelant au calme et en interdisant toute manifestation prévue pour le lendemain. Lors d'une intervention à la Radio-Télévision Nationale Congolaise (RTNC), il a souligné la légitimité du message véhiculé par les manifestants, tout en précisant que les moyens employés étaient inappropriés : "Concernant les ambassades qui ont été vandalisées, la volonté derrière qui avait consisté à passer le message à la communauté internationale est légitime mais les moyens utilisés n’étaient pas appropriés", a-t-il déclaré.
Le gouvernement, sous pression, a annoncé la multiplication de réunions de crise autour du président de la République afin de trouver des solutions face à cette situation qui perdure depuis plus de 25 ans. Le spectre de l'insécurité, qui plane sur l'est du pays, fait en sorte que la population reste plus que jamais divisée sur la gestion du conflit et des institutions.
Alors que l'avenir semble incertain, le Congo semble pris dans un cercle vicieux où chaque crise nourrit la suivante, produisant des tensions sociales déjà profondes. Le chemin vers une stabilité durable semble encore bien loin, et les Congolais, confrontés à des défis multiples, se demandent combien de temps encore ils devront vivre sous le poids de cette guerre interminable et des crises politiques qui en découlent.
*Emerode Kamba*