Kisangani-Lubutu : la RN3, l’agonie d'un axe vital, les transporteurs au bord de la crise

La Route Nationale N°3, artère essentielle reliant les localités de Kisangani et de Lubutu, est aujourd'hui le théâtre d'un calvaire quotidien pour ses usagers, en particulier les transporteurs. L'état de délabrement avancé de cette infrastructure, exacerbé par les pluies diluviennes caractéristiques de la région, transforme chaque voyage en une épreuve exténuante.

À cette détresse liée à l'état de la chaussée s'ajoute l'exaspération croissante face aux pratiques de mendicité et aux tracasseries orchestrées par des agents érigés en maîtres des nombreux barrages qui jalonnent cet axe, plongeant les professionnels de la route dans un sentiment d'impuissance et de colère.

En cette période où les précipitations atteignent leur pic, la RN3 offre un spectacle désolant. Si la portion initiale, de Kisangani à Wanyarukula, conserve une semblance de praticabilité, le tronçon suivant, jusqu'au kilomètre 90, se révèle être un véritable bourbier, semé d'ornières profondes et de bourbiers insondables. La situation atteint son paroxysme au-delà du kilomètre 108, en direction de Lubutu, où la route, soumise aux assauts répétés des intempéries, devient un défi insurmontable, rendant la progression lente, coûteuse et risquée.

Félix Lumbekwa, visage buriné par dix années de navette incessante sur cet axe, témoigne avec amertume : « Durant la saison sèche, on parvient tant bien que mal à circuler. Mais dès que les pluies s'installent, chaque voyage se transforme en une lutte acharnée contre la boue et les dégradations. On a l'impression de se faire "cuiller"centimètre par centimètre pour atteindre notre destination. Les coûts d'entretien de nos véhicules explosent, et les temps de trajet sont multipliés. »

Au-delà de l'état lamentable de la chaussée, un autre fléau ronge le quotidien des transporteurs : les exigences financières souvent opaques et jugées abusives aux multiples barrières érigées le long de la RN3. Les taximen dénoncent notamment les surfacturations des taxes de PCR, dont la justification leur échappe, ainsi que les demandes de paiement pour des documents obscurs, alimentant un climat de suspicion et de frustration.

« À chaque barrage, c'est la même rengaine », s'indigne un chauffeur souhaitant conserver l'anonymat par crainte de représailles. « On nous réclame de l'argent pour des papiers dont on ignore la nature et la validité. On est convaincus que certains de ces documents sont purement inventés pour nous soutirer de l'argent. Le plus révoltant, c'est qu'il est quasiment impossible de franchir un barrage sans céder à ces exigences financières illégitimes. C'est un véritable racket organisé. »

Les témoignages recueillis convergent vers une accusation précise : une part significative de ces tracasseries serait imputable à des éléments des Forces Armées de la République démocratique du Congo (FARDC) déployés sur cet axe. 

Face à cette situation intolérable qui entrave leur activité économique et met en péril leur gagne-pain, les transporteurs lancent un cri d'alarme désespéré aux autorités provinciales et nationales. Ils implorent une intervention urgente pour la réhabilitation de cette route vitale et exigent la cessation immédiate de ces pratiques abusives qui gangrènent le secteur du transport et freinent le développement économique de la région. 

La RN3, axe de désenclavement et de commerce, est aujourd'hui un symbole de négligence et d'impunité, un chemin de croix où la détresse des usagers ne cesse de croître.

Matthieu Kinganda