RDC : Des millions de dollars détournés dans le projet routier Kinshasa-Matadi, un ex sénateur impliqué

Une enquête collaborative d'envergure, menée par la Plateforme de Protection des Lanceurs d'Alerte en Afrique (PPLAAF), en partenariat avec des piliers de la presse internationale et nationale tels que Le Soir, De Standaard, l'OCCRP et Actualité.cd, met en lumière de graves irrégularités financières et de potentiels détournements de fonds publics. Au cœur de cette affaire : le projet de construction de la route nationale n°1, reliant Kinshasa à Matadi. Depuis 2008, cette initiative, chiffrée à des millions de dollars, semble avoir principalement engraissé des intérêts privés, au détriment manifeste de la population congolaise. Les travaux, dont le coût total avoisine les 514 millions de dollars, ont été orchestrés par un consortium piloté par Cong "Simon" Maohuai, un influent homme d'affaires chinois dont les liens étroits avec la famille de l'ancien président Joseph Kabila ne sont plus à démontrer.
L'analyse des flux financiers révèle par ailleurs des attributions de contrats particulièrement troublantes. C'est le cas de la SIC, une entreprise sous-traitante privée de la SOPECO (Société des Péages du Congo), qui a raflé des marchés colossaux de 70 millions de dollars pour des projets autoroutiers en juin 2019. L'anomalie est flagrante : la société n'avait été créée qu'un mois auparavant, en mai de la même année. L'opacité autour de cet octroi est d'autant plus préoccupante que la PPLAAF a mis au jour une connexion directe et dérangeante : une entreprise familiale, sous le contrôle du sénateur Guy Loando et de son épouse, détenait 35 % des parts de la SIC au moment précis de ces attributions. Une telle participation, en pleine concomitance avec des contrats publics d'une telle envergure, soulève d'innombrables questions sur les conflits d'intérêts et l'intégrité des processus de marchés publics.
Le modèle du projet de la route Kinshasa-Matadi repose sur un Partenariat Public-Privé (PPP) de type BOT (Construire-Opérer-Transférer). La SOPECO et ses associés sont censés préfinancer les infrastructures avant de recouvrer leur investissement via la perception de droits de péage. Or, les révélations concernant des détournements présumés et les attributions de sous-contrats entachées d'opacité minent la crédibilité de ce montage. Ces affaires, qui ébranlent la confiance des citoyens, exigent une enquête approfondie et impartiale de la part des autorités congolaises. La lumière doit être faite sur ces pratiques afin de restaurer la transparence et de garantir une gestion saine et équitable des deniers publics.
Guyvanant Misenge