RDC : Le panier de la ménagère à Kinshasa défie la crise de l’Est
Le ministre de l'Économie nationale claironne une résilience face à la tempête sécuritaire qui ravage l'Est. Mais qu'en est-il du panier de la ménagère, là où la réalité se mesure en francs et en besoins quotidiens ? Ce matin pluvieux du 16 avril 2025, notre équipe a quitté le bitume de Kinshasa pour s'enfoncer dans les ruelles animées et humides de Kinsuka Pêcheurs, à Ngaliema. Direction : le cœur battant du quartier, le petit marché "Lubwaku", pour une immersion au plus près du vécu des habitants.
Les gouttes s'écrasent sur nos parapluies tandis que l'odeur terreuse de la pluie se mêle aux effluves épicées des étals. Sous des bâches improvisées, une vie intense se déploie. Des femmes négocient le prix de quelques légumes, des enfants courent entre les jambes des vendeuses assises à même le sol, leurs marchandises soigneusement disposées devant elles. Haricots brillants, sacs de riz d'un blanc immaculé, pyramides colorées de tomates et d'oignons, bouquets de ciboulettes fraîchement arrosées : le marché Lubwaku regorge de produits essentiels. Et ici, au milieu de ce tumulte matinal, une réalité surprenante émerge.
Nous approchons d'une marmite fumante où mijotent des haricots au parfum réconfortant. Maman Ange Nzita, le visage doux malgré la fatigue, nous accueille avec un sourire. Mère de deux enfants, elle partage sa modeste demeure avec son mari et ses trois beaux-frères. Alors que la pluie redouble, elle nous confie, en touillant son repas, une information qui détonne avec le climat anxiogène ambiant : « Avec 27 000 francs, on s'en sort. Deux 'ebundeli' de haricots, deux de riz, un peu de poisson salé... Les prix n'ont pas bougé depuis janvier. » Son témoignage, simple et direct, est une bouffée d'air frais dans un contexte national marqué par l'inflation et l'incertitude.
Quelques pas plus loin, Solange Kapinga, assise derrière ses sacs de haricots aux couleurs variées, nuance légèrement ce tableau. Son regard vif se souvient d'une brève période d'inquiétude : « En février, quand Goma est tombée, le prix des haricots qui venaient de là-bas a grimpé jusqu'à 6000 francs. Mais maintenant, c'est redescendu à 5000. » Un soubresaut, certes, mais une correction rapide qui n'a pas durablement impacté le pouvoir d'achat des habitants de Kinsuka Pêcheurs.
Pourtant, au fil de nos conversations, une ombre se profile. Des voix s'élèvent, évoquant la difficulté croissante à trouver des tomates sur les étals. Les pluies diluviennes qui s'abattent sur Kinshasa et le Kongo Central commencent à avoir des répercussions concrètes sur l'approvisionnement de certains produits.
L'inquiétude se lit dans les yeux des mamans : cette pénurie annoncée pourrait bien être la prochaine bataille à mener pour maintenir l'équilibre fragile de leur budget.
Au cœur de ce quartier populaire, sous le ciel gris et la pluie persistante, le marché Lubwaku apparaît comme une bulle de résistance économique. Alors que les discours officiels tentent de rassurer sur la solidité du pays face à la crise à l'Est, c'est ici, au ras du sol, que se dessine une réalité complexe.
La résilience vantée par le ministre de l'Économie prend un visage concret, celui de Ma Ange et de Solange, luttant au quotidien pour nourrir leurs familles. Mais cette stabilité est-elle une exception locale ou le signe d'une force économique plus profonde ? Seul l'avenir, et les prochaines averses, nous le diront.
Reportage de la rédaction de Newnarratif à Kinsuka Pêcheurs
