SOTEXKI : La mauvaise gestion persiste, la relance en otage et les travailleurs impayés (enquête)

Malgré les alertes répétées et l'injection de près de 8 millions de dollars américains par l'État congolais pour sa relance, la Société Textile de Kisangani (SOTEXKI) reste tragiquement embourbée dans une gestion calamiteuse. Une situation qui paralyse son redressement et plonge ses travailleurs dans une précarité alarmante. Au cœur de ce marasme : un bras de fer apparent entre le Président du Conseil d'Administration (PCA), Simon Bulupiy Galati, et le Directeur Général (DG), Glombert Loko, tous deux soupçonnés de bloquer délibérément le processus de restructuration censé assainir la société.
Assemblée générale sous haute tension, des résolutions ignorées
Depuis le 25 juin dernier, une Assemblée Générale Extraordinaire (AGE) de la SOTEXKI s'est tenue avec deux objectifs majeurs : l'évaluation du commissaire aux comptes concernant la nouvelle configuration du capital social et l'analyse des conséquences de cette restructuration sur les statuts de la société. Cette AGE devait, en principe, ouvrir la voie à la désignation de nouveaux dirigeants par le gouvernement, l'État congolais étant désormais l'actionnaire majoritaire avec 80 % des parts, contre 20 % pour TEXICO.
Cependant, selon des sources proches des participants, le procès-verbal de l'AGE n'a jamais été transmis au ministre du Portefeuille, empêchant toute avancée. Les accusations fusent, pointant du doigt le DG Glombert Loko, émanation de TEXICO, et le PCA Simon Bulupiy Galati, comme les principaux freins à cette transition cruciale. Leur objectif, selon certains observateurs, serait de maintenir le statu quo pour, potentiellement, s'accaparer la deuxième tranche des fonds alloués à la relance de la SOTEXKI, comme ce fut le cas avec la première.
L'État, actionnaire majoritaire mais étonnamment absent
La nouvelle configuration du capital social fait de l'État congolais l'actionnaire principal. Pourtant, l'absence de représentation étatique au sein du comité de gestion est criante. Le DG Loko, agissant sans le contrôle d'un commissaire aux comptes – une fonction qui n'a jamais été pourvue depuis des années – a géré la société de manière unilatérale, conduisant à la situation de quasi-faillite actuelle.
Les participants à l'AGE avaient notamment décidé de la nomination de commissaires aux comptes, une mesure de transparence essentielle qui n'a, curieusement, jamais été mise en œuvre. Cette anomalie soulève de sérieuses questions quant à la volonté réelle des dirigeants actuels de permettre une gestion transparente et conforme aux intérêts de l'État et, surtout, des travailleurs.
Des salaires impayés et une économie provinciale asphyxiée
Les conséquences de cette mauvaise gestion sont dévastatrices pour le personnel de la SOTEXKI, qui accuse plus d'une année d'arriérés de salaire. La province de la Tshopo, dont la SOTEXKI est censée être le poumon économique, subit également les contrecoups de cette déliquescence.
Consciente de l'opacité de la situation, la Première Ministre avait d'ailleurs gelé l'allocation de la deuxième tranche des fonds de relance tant que la clarté ne serait pas faite sur la gestion de la société. Cette décision, bien que salvatrice pour les deniers publics, souligne l'urgence d'une intervention forte pour débloquer la situation et permettre enfin à la SOTEXKI de renaître de ses cendres.
L'inertie actuelle soulève de sérieuses questions sur la gouvernance de cette entreprise publique et la volonté de certains acteurs de nuire à l'intérêt général au profit d'intérêts personnels. Le plan de relance validé par le gouvernement s'élève à 17,5 millions de dollars américains, dont 8 millions ont déjà été débloqués. La SOTEXKI, et avec elle l'espoir de milliers de familles, attend désespérément un dénouement.
Guyvanant Misenge