Kabila revient par l'Est : Ultime recours pour un Congo à genoux ou machiavélique retour aux affaires ?
Le long silence de Joseph Kabila, cette étrange liturgie à laquelle il s'astreint depuis son départ du pouvoir, a été brisé par une déclaration écrite, transmise hier par RFI. L'ancien président, fantôme de la scène congolaise depuis des lustres, annonce son retour imminent, une descente de son Olympe sud-africain qu'il justifie par un diagnostic sans appel : une RDC "hors de contrôle", où la déliquescence ronge les institutions et l'insécurité embrase le territoire. Six années d'absence, une année d'exil studieux sur les relations sino-congolaises, et voici que l'homme des silences assourdissants juge l'heure venue de "rentrer sans délai", invoquant une urgence nationale qui sent la poudre et le soufre. Mais sous cette soudaine réapparition, quels desseins inavoués se trament ?
Le choix de l'Est, ce Kivu ensanglanté, comme point d'ancrage de son retour, n'a rien d'une coïncidence. « J'ai décidé de commencer par la partie orientale [de la RDC], parce que c'est là qu'il y a péril en la demeure », lâche Kabila, évoquant des consultations obscures avec des figures régionales et des marionnettistes de l'ombre. Un argument qui résonne sinistrement aux oreilles d'un peuple dont l'Est est depuis trop longtemps le théâtre d'un cauchemar sans fin. L'ombre d'une danse macabre avec l'AFC/M23 de Corneille Nangaa, ce spectre qui hante les nuits du Nord-Kivu, plane avec insistance. L'entourage de l'ancien Sphinx, interrogé sur une éventuelle convergence d'intérêts, esquive sans nier : « Participer à l'action de l'AFC ? C'est possible... » Une réponse sibylline qui ouvre les vannes à toutes les conjectures les plus funestes.
Ce retour programmé intervient au lendemain d'une rentrée politique du PPRD, son parti, qui a ostensiblement claqué la porte aux consultations présidentielles pour un gouvernement d'union nationale. Un timing troublant, une synchronicité qui hurle des intentions inavouables. Simple coïncidence ou prélude à une manœuvre de déstabilisation savamment orchestrée contre un pouvoir chancelant ? La question hante les couloirs feutrés de Kinshasa.
Les rumeurs tenaces d'une rencontre clandestine entre Kabila et Tshisekedi en Namibie ajoutent une strate de complexité à ce jeu de dupes. Si l'information venait à se confirmer, deux scénarios s'affrontent. Le premier : une alliance tacite, un pacte faustien scellé sous la pression des parrains occultes du "compromis à l'africaine", expliquant l'étrange silence d'un Tshisekedi habituellement volubile. Son mutisme face aux outrances ougandaises et au rapport accablant sur le soutien au M23 pourrait bien être le signe d'une entente souterraine.
Mais l'autre hypothèse est une bombe à retardement : un retour par l'Est comme un coup de semonce, un avertissement à peine voilé à Tshisekedi. Kabila, artisan retors des arcanes du pouvoir et fin connaisseur des rouages de l'armée, n'a jamais véritablement désarmé son influence. Son silence prolongé pourrait bien n'avoir été qu'une pause stratégique avant une démonstration de force calculée. Un face-à-face explosif entre ces deux figures tutélaires, dans un contexte où Tshisekedi a semé la désillusion chez nombre de ses anciens alliés, serait une danse au bord du précipice pour le régime en place.
Au bout du compte, c'est toujours le peuple congolais qui trinque, otage de ces manœuvres intestines et de ces alliances contre-nature. Une nation dont la soif de changement est constamment étouffée par les ambitions démesurées d'une classe politique coupée de ses réalités. Tant que la clameur populaire ne se transformera pas en un raz-de-marée exigeant la transparence et la primauté de l'intérêt collectif, la RDC restera un pion sur l'échiquier trouble de ses propres prédateurs. Il est temps de démasquer les marionnettistes et de réclamer un nouveau récit, écrit par le peuple et pour le peuple. Le silence, lui aussi, a trop longtemps hurlé.
Guyvenant MISENGE
