RDC-Rwanda : L’accord de Washington scelle une nouvelle ère de réciprocité et de retrait simultané des forces armées
La République démocratique du Congo et le Rwanda ont franchi un cap majeur vers la pacification de la région des Grands Lacs avec la signature de l’accord de Washington. Ce texte, signé le 27 juin dernier, consacre des engagements réciproques et progressifs en matière de sécurité, de souveraineté territoriale et de retrait des troupes. Lors d’un point de presse conjoint à Kinshasa ce 3 juillet, la ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, a apporté de nouvelles précisions sur le contenu et la portée de cet accord historique.
L’accord, selon la ministre, consacre dès son premier chapitre le principe fondamental du respect mutuel de l’intégrité territoriale. Il stipule explicitement qu’aucune des parties ni la RDC ni le Rwanda ne peut porter atteinte à la souveraineté de l’autre. “C’est un élément fondamental. Les différences, désormais, seront réglées par des mécanismes pacifiques convenus dans le cadre de cet accord”, a insisté Mme Kayikwamba.
La ministre a aussi mis en lumière un autre principe essentiel de l’accord : la progressivité et la réciprocité des efforts. “Il n’est plus question que seule la RDC fournisse des efforts. Toutes les parties signataires sont désormais soumises à un devoir de réciprocité”, a-t-elle souligné, rappelant ainsi le caractère contraignant de l’accord, aussi bien sur le plan juridique que politique, diplomatique et médiatique.
*_Cessation immédiate des hostilités et fin du soutien aux groupes armés_*
Le deuxième chapitre de l’accord cible le cœur du conflit : les combats entre forces régulières et l’usage de groupes armés supplétifs, notamment le M23. Il engage les deux pays à une cessation immédiate et inconditionnelle des hostilités. Le texte interdit aussi tout soutien logistique, financier ou politique aux groupes armés opérant sur le territoire congolais.
“Il s’agit d’un engagement clair : plus de frappes, plus d’incursions, plus de soutien indirect. Même les déclarations publiques susceptibles de raviver les tensions sont proscrites”, a déclaré Mme Kayikwamba, insistant sur l’importance de ne pas politiser l’accord dans les discours publics.
*_Le CONOPS : un plan militaire structuré et coordonné_*
Au cœur de l’accord figure la mise en œuvre du CONOPS (Concept of Operations), un plan militaire technique élaboré conjointement par les services de renseignement de la RDC et du Rwanda. Signé en octobre 2024, le CONOPS prévoit le retrait ordonné, vérifié et complet des troupes rwandaises du territoire congolais, mais également la neutralisation des FDLR, groupe armé rwandais présent en RDC depuis plusieurs décennies.
Structuré en trois phases de 30 jours, le plan comprend une cartographie des zones occupées, l’établissement de corridors de retrait, et des patrouilles mixtes congolaises et internationales chargées de la vérification. À l’issue de chaque phase, un rapport certifié sera transmis aux mécanismes conjoints de coordination de la sécurité.
“Le CONOPS est un document militaire opérationnel, conçu avec minutie à Luanda avec la participation des états-majors congolais et rwandais, sous la facilitation des médiateurs angolais”, a précisé la cheffe de la diplomatie congolaise.
Le plan de neutralisation des FDLR repose d’abord sur une phase de sensibilisation en vue d’une reddition pacifique, suivie de mesures plus contraignantes si nécessaire. “Il s’agit de mettre fin à 30 années de fusion entre cette menace armée et l’instabilité dans l’Est”, a souligné Mme Kayikwamba.
Elle a également insisté sur le caractère simultané du retrait des troupes rwandaises et de la neutralisation des FDLR. “Aucune préoccupation sécuritaire légitime ne peut être secondaire à une autre. C’est pour cela que le CONOPS est structuré pour que les deux volets s’exécutent ensemble”, a-t-elle affirmé.
Enfin, un mécanisme conjoint de coordination de la sécurité sera mis en place pour assurer la bonne exécution du plan. Il comprendra des représentants de la RDC, du Rwanda, ainsi que des observateurs de pays tiers en mesure de jouer un rôle d’arbitrage. Ce dispositif hybride vise à garantir l’objectivité et l’efficacité du suivi de l’accord.
“Nous devons mobiliser l’opinion publique autour de cet accord. Sa mise en œuvre ne dépend pas que des militaires ou des diplomates, mais aussi de l’appropriation citoyenne”, a conclu la ministre.
Alors que les tensions persistent dans plusieurs zones de l’Est de la RDC, l’accord de Washington marque un tournant. En réaffirmant des principes de souveraineté, en engageant un double retrait militaire et en misant sur des mécanismes vérifiables, Kinshasa et Kigali posent les jalons d’une désescalade durable. Reste désormais à en assurer la mise en œuvre effective et équitable sur le terrain.
Gracieux Bazege
